L’agriculture écologique n’est pas une question de feeling

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Ce texte est la suite de: Il est né le divin enfant et Jean-martin Fortier au festival des « oui mais…»

La fausse solution


Le problème des fermes comme celles de JMF(Jean-Martin Fortier) ou de la production biologique en général est que, la plupart du temps, c’est le modèle de production alimentaire le moins écologique qui soit. Bien que les bonnes et les mauvaises pratiques agricoles puissent se retrouver dans n’importe quel type de ferme, l’agriculture biologique est malheureusement piégée par une réglementation et une idéologie contraignantes et contre-productives. L’agriculture conventionnelle a la liberté d’aller piger dans tous les concepts et les outils, y compris ceux du bio, pour améliorer ses pratiques. Par contre, l’inverse est souvent impossible. Quelle est la différence entre les deux types d’agriculture? Laissons JMF nous l’expliquer :

Émission Les fermiers(saison 1, épisode 6)
https://www.tv5unis.ca/les-fermiers/saisons/1

Oui mais non, là n’est pas la vraie différence. Le conventionnel aussi accorde de l’importance à la détection, à la prévention, etc. Moins que les maraîchers bio sur petites surfaces? Sûrement,  je n’en sais rien, mais à l’école d’agriculture conventionnelle (l’Institut de technologie agricole), la lutte intégrée est parmi les premières choses qu’on nous apprend. Donc non, ce n’est pas ça la différence entre les deux modes de production.

La grosse différence entre les deux modes de production, c’est qu’en bio, les intrants (engrais et produits phytosanitaires) doivent provenir de source naturelle. Pourquoi? Parce que, selon la croyance, il existerait toujours une différence entre une molécule chimique et naturelle et que la molécule naturelle est nécessairement supérieure. C’est là que l’on tombe dans le religieux. En effet, en synthétisant l’urée en 1828, le chimiste allemand Friedrich Wöhler a prouvé que les composés organiques obéissent aux mêmes lois que les composés inorganiques. On découvrait alors que cette supposée barrière infranchissable entre matière inerte et matière vivante n’existait pas. C’était la fin pour la théorie du vitalisme. Pourtant, 192 ans plus tard, l’agriculture biologique est toujours en grande partie basée sur cette théorie erronée. 

Après le sexe, le concept de ‘’naturel’’ est probablement l’outil de marketing le plus puissant pour vendre ses bébelles : onguent naturel, alimentation naturelle, médecine naturelle, etc. Si c’est naturel, c’est bon. Si c’est chimique, c’est mauvais. Pourtant, la liste des choses naturelles qui sont hautement toxiques ou cancérigènes est bien longue.1 Le bio ne se prive pas d’exploiter cette fausse croyance d’une supposée supériorité du naturel. Généralement, lorsqu’on avoue du bout des lèvres qu’on utilise aussi en bio des pesticides, on s’empresse de préciser que ce sont des produits naturels. La vidéo suivant en est un exemple éloquent.


Émission les Fermiers. (saison 1 épisode 6)
https://www.tv5unis.ca/les-fermiers/saisons/1

Une forte dose, c’est toujours relatif. Comparons donc le sulfate de cuivre18 au célèbre glyphosate, cet herbicide maudit par tout bon écolo qui se respecte. 

La mesure qui sert à indiquer la toxicité aiguë d’un produit se nomme la DL50 (dose létale pour tuer 50% des cobayes). La DL50 du sulfate de cuivre est de 300 mg par kilogramme de poids corporel, ce qui le classe comme modérément toxique. Par comparaison, le glyphosate, avec une DL50 de 5600 mg/kg est 18 fois moins toxique. Pour ce qui est de l’impact sur l’environnement, je vous laisse le tableau ci-dessous pour comparer.

Tableau provenant de: https://geneticliteracyproject.org/2018/03/20/far-more-toxic-than-glyphosate-copper-sulfate-used-by-organic-and-conventional-farmers-cruises-to-european-reauthorization/

Issus de la production biologique ou conventionnelle, nos aliments peuvent contenir des traces de pesticides dangereux, mais à des doses tellement faibles dans les deux cas qu’il est hautement improbable que cela pose un risque pour la santé. Comme le dit MC Paracelse, c’est la dose qui fait le poison. De plus, 36% à 82%2 10 du temps, on ne retrouve aucune trace de pesticides lors d’analyses des aliments conventionnels. La limite maximum de résidus (LMR) est très rarement dépassée autant en conventionnel qu’en biologique. Le bio fait légèrement mieux en moyenne en ce qui à trait au dépassement du LMR,  mais rarement plus que de 3% ou 4% du temps3. Bref, vouloir limiter notre exposition aux pesticides en achetant bio offre selon moi un retour sur l’investissement bien décevant. Dit autrement, ça fait cher du microgramme en moins et, un microgramme, ce n’est pas beaucoup.

Si, comme le prétend JMF, l’agriculture conventionnelle empoisonne à petites doses, le biologique suit de près. Mais laissons la santé du consommateur de côté et revenons à nos moutons. Après tout, ce texte porte sur l’impact environnemental et non sur la santé du consommateur.

MC Paracelse à la recherche de la bonne dose

Hommage aux pesticides

S’il est hautement improbable que les résidus de pesticides dans nos aliments posent un risque pour notre santé, c’est une toute autre histoire en ce qui à trait à leur impact sur l’environnement. Après tout, on applique les pesticides aux champs à des doses suffisantes pour tuer les indésirables. La dose, cette fois, est réellement un poison. Bien qu’on utilise généralement les pesticides de façon ciblée, il serait naïf de croire que nous avons affaire à une guerre chirurgicale sans dommages collatéraux. Il est évident que l’environnement est affecté par les applications de pesticides, là n’est pas la question. À partir du moment où l’on accepte  que l’humain doit se nourrir et que, par le fait même, il aura un impact sur les écosystèmes, on  doit réfléchir aux actions à prendre pour limiter ses impacts. Malheureusement, tout choix est compromis et le monde parfait n’existe pas. (je sais, je radote)

Il est vrai que le bio utilise moins de pesticides en moyenne que le conventionnel4, mais contrairement à ce que veulent vous faire croire certaines ONG ou médias en quête d’attention, l’utilisation des pesticides en agriculture n’est désormais  plus un problème majeur pour l’environnement.5 Essayer de diminuer la quantité de pesticides utilisés, en particulier les plus toxiques, est clairement un objectif louable. Cependant, comme ils sont essentiels afin de réduire de façon globale l’impact que notre alimentation pose sur les écosystèmes et l’environnement, cette réduction ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Quelles sont les priorités?

Il faut nourrir adéquatement la population mondiale grandissante en limitant au maximum les choses suivantes :

– les fuites de nutriments dans l’environnement comme l’azote et le phosphore

les émissions de GES que produit l’agriculture( Co2, oxyde nitreux et méthane)

l’érosion des sols

la consommation d’eau

la déforestation et l’empiètement sur les écosystèmes

le gaspillage alimentaire (de la ferme à la table)

Comme nous le verrons, la gravité de ces problèmes peut être grandement atténuée grâce à l’utilisation judicieuse des pesticides. C’est pourquoi il faut s’assurer que l’objectif de réduction des produits phytosanitaires ne se fasse pas au détriment des autres problématiques beaucoup plus urgentes. Sinon on se retrouve avec plus de pire et moins de mieux. Pis on s’entend-tu pour dire que le mieux, c’est mieux, du moins, c’est mieux que le pire. 

Alors, comment les pesticides peuvent-ils être des outils importants pour une pratique agricole durable? Rapidement, (car j’y reviendrai de façon plus approfondie dans un autre texte), les herbicides permettent de nombreuses choses, comme d’avoir une gestion de couvert végétal plus complexe, de faire du semis direct ainsi qu’éviter d’avoir à labourer les champs. Ces pratiques réduisent grandement l’érosion des sols, la contamination des cours d’eau par les nutriments et évitent une production importante de GES (travail du sol=oxydation de la matière organique et plus énergie fossile brûlée). De plus, les pesticides permettent de conserver le potentiel de rendement et d’éviter les pertes de culture en champ. Il n’y a rien d’écologique et de durable à investir autant d’énergie et d’intrants (énergie fossile, engrais, compost, eau, etc..) dans un champ, pour ensuite le laisser aller aux ennemis des cultures (mauvaises herbes, ravageurs, champignons, etc.)5. En dehors du gaspillage de ressources qu’engendrent ces pertes de récoltes, il y a le fait que cette nourriture perdue devra être produite ailleurs pour répondre à la demande. Cela se traduit par plus de déforestation et d’empiètement sur les écosystèmes. N’ayant pas accès aux herbicides et en étant limité dans les types de molécules qu’il peut utiliser pour protéger ses cultures, le producteur bio se retrouve souvent à court de solutions pour limiter son impact global environnemental.

Évidemment, je suis conscient que nous sommes bien loin d’un monde où tous les agriculteurs utilisent les pesticides de façon judicieuse et responsable. Je dis juste que cette obsession sur la question des pesticides est une distraction et une perte de temps si cela nous empêche de nous attaquer à des dossiers beaucoup plus urgents.



Émission Les fermiers (saison 1 épisode 6)
https://www.tv5unis.ca/les-fermiers/saisons/1

Hommage aux engrais chimiques

Au moment où l’on se parle, environ 45% de la population mondiale est maintenue en vie grâce aux engrais chimiques. On pourrait certainement réduire notre dépendance à l’azote de synthèse, mais s’en passer complètement est impossible. Il n’y a tout simplement pas suffisamment d’azote naturel (compost, fumier, engrais vert, etc) en circulation pour fournir à la demande.6Oui, la production et l’utilisation d’engrais de synthèse ont des inconvénients, mais si c’est pour permettre à 3 ou 4 milliards de personnes de se nourrir, cela reste selon moi un bon compromis. Du moins, ça devrait faire réfléchir sur la pertinence de tirer la ‘’plug’’ sur les ‘’maudits’’ engrais chimiques.

L’idéologie bio interdit l’utilisation d’engrais de synthèse et elle doit donc se rabattre sur des sources ‘’naturelles’’ pour amender et fertiliser ses champs. Cependant, ce que l’on ne nous dit pas, c’est que la majorité du fumier utilisé en bio provient de bêtes qui ont été nourries aux plantes fertilisées aux engrais chimiques. L’estomac des animaux sert donc à ‘’blanchir’’ l’azote de synthèse pour le rendre par magie admissible pour le bio. C’est la même histoire pour le phosphore et le potassium, qui sont les 2 autres nutriments les plus importants pour la croissance des plantes.  Une études françaises16 qui a analysé 63 fermes en biologique on conclu que les nutriments provenant du conventionnel représentaient pour ces fermes, 23% de l’azote, 73% du phosphore et 53% du potassium.  C’est donc un peu hypocrite de critiquer l’utilisation du chimique tout en en profitant amplement. C’est un peu comme si un propriétaire de pawn shop souhaitait la disparition des voleurs. 

De plus, l’utilisation du compost et du fumier en champ a de nombreux désavantages. En dehors du fait qu’ils soient dispendieux et insuffisants pour répondre à la demande agricole mondiale, ils amènent de nombreux problèmes environnementaux. Premièrement, le compostage du fumier et de la matière organique est une source importante de gaz à effet de serre, dont le méthane. Deuxièmement, étant donné que ce sont des produits lourds et volumineux, ils demandent beaucoup d’énergie pour le brassage, le transport et l’épandage, autre source importante de GES.7 9Pour finir, il est très difficile d’appliquer le compost et le fumier en bonne quantité et au bon moment. Conséquence : il y a décalage entre la libération des nutriments organiques et les besoins des plantes, ce qui affecte la croissance et entraîne le lessivage de nutriments.11 Voici un petit extrait d’entrevue très instructif :


Extrait tiré de: https://www.youtube.com/watch?v=Psb4NwfyHP4&t=1476s

« Mais peut-être qu’on y réfléchira rendu là. Hahaha.»… Non JMF, on aimerait bien que tu y réfléchisses maintenant à tes problème de lessivage et de minéralisation. Il est facile de vanter la santé de ses sols quand on importe et applique 80 tonnes de compost à l’hectare et qu’on se fout complètement qu’une quantité non négligeable de nutriments se retrouve à polluer les cours d’eau et l’atmosphère. Au Québec, les fermes maraîchères de moins de 5 hectares n’ont pas à fournir au Ministère de l’Environnement un plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF), ni un bilan phosphore. Il semblerait que beaucoup de petites fermes maraîchères restent sous les 5 hectares pour ne pas avoir à respecter les normes environnementales, mais comme elles se disent biologiques et écologiques, c’est correct. On ferme les yeux, après tout, elles n’ont que de bonnes intentions.

Avec les engrais de synthèse, il est plus facile d’appliquer le concept des 4R (right source, right rate, right time et right place), soit le bon type de nutriments, en bonne quantité, au bon moment et à la bonne place. Oui, on peut faire beaucoup de dégâts avec des engrais de synthèse, mais on a aussi la possibilité de pratiquer une agriculture de précision qui a de nombreux avantages écologiques. Évidemment, je ne dis pas qu’il ne faut pas revaloriser les nutriments contenus dans le fumier et le compost, mais c’est un sujet bien vaste et compliqué. J’y reviendrai en détail dans un autre texte. Pour l’instant, j’aimerais que vous reteniez qu’il y a du bon et du mauvais dans chaque type d’engrais, peu importe sa source, mais surtout, avant de diaboliser les engrais chimiques et de souhaiter leur disparition, je vous invite à vous rappeler de la cruelle réalité illustrée dans ce graphique :

(https://ourworldindata.org)

It’s the yield, stupid!12

Un professeur en génie agroenvironnemental de l’Université Laval, Serge-Étienne Parent, a publié cet été un texte abordant plus ou moins les mêmes arguments que les miens. Évidemment, son texte a fait beaucoup réagir. JMF et MFB (mononcle fâché Bouchard)8 ont répliqué en nous offrant un bel exemple de dialogue de sourds. C’est à se demander s’ils avaient réellement lu le texte en question. En gros, ils reprochaient à monsieur Parent de clamer la supériorité d’un système sur un autre en se basant seulement sur le rendement. Bien que le rendement n’était pas le seul aspect qu’il abordait dans son texte, cela restait son argument principal. Mais ce qu’il faut comprendre du rendement, c’est que ce n’est pas de produire plus qui est le gros avantage, mais bien de produire plus avec moins.  Tel qu’expliqué par monsieur Parent dans son texte: ‘’Les rendements inférieurs obtenus en régie biologique font reposer le fardeau écologique d’une ferme sur une plus petite quantité d’aliments. Chaque aliment certifié biologique demandera ainsi à la nature davantage de territoire, contribuera davantage à la pollution de l’eau et produira un peu plus de gaz à effet de serre.’’

Oui, un autobus polluera plus qu’une auto pour parcourir 100 km, mais s’il transporte 60 personnes sur ces 100 km, on réalise vite que l’auto n’est plus vraiment le choix écologique.21

Par son refus d’utiliser certains pesticides, engrais de synthèse et semences issues de technologies modernes, le biologique présente une perte de rendement plus ou moins importante selon les cultures (entre 5% et 130%; en moyenne 20% à 30%)10 18. Il y aurait tant à dire ici juste sur “en moyenne, mais, encore une fois, ça sera pour plus tard. Le plus grand avantage d’un rendement supérieur est que si l’on produit 20% de plus par hectare, on empiète (en théorie) 16.6% de moins sur les écosystèmes.20 C’est là qu’on entre dans le fameux débat de l’économie des terres versus le partage des terres (land sharing vs land sparing). Le débat consiste à savoir s’il est mieux pour la biodiversité d’avoir une agriculture intensive, qui, par son rendement, permet de libérer des terres pour les écosystèmes ou d’avoir une agriculture extensive où la biodiversité peut cohabiter avec nos activités agricoles. La réalité est que le débat est clos depuis un bon moment maintenant. La conclusion des études13 14 15 est que, à quelque exception près, la grande majorité de la biodiversité mondiale s’en sort mieux sous un scénario de densification que de partage.

Mettons les choses au clair, cette conclusion nous éclaire à savoir ce qu’on doit faire (densifier), mais pas sur comment on doit le faire. Ce n’est évidemment pas un appel à faire du maïs/soya de Kansas city jusqu’à Bangkok, ni à tirer une ligne nette et précise entre la nature, d’un côté, et l’agriculture, de l’autre, mais bien une notion indispensable pour réfléchir correctement au développement agricole durable. De plus, il y a certainement place pour une certaine biodiversité sur tous les types de fermes et l’on aurait grandement avantage à planifier de manière intelligente pour éviter, entre autres, le morcellement des écosystèmes. Il ne faut pas non plus oublier les effets de lisière qui permettent à un grand nombre d’espèces de prospérer. Cependant évitons de succomber à cette fable de la cohabitation harmonieuse et équilibrée entre la nature et la production alimentaire pour les humains. Ce monde n’existe plus depuis qu’Ève a croqué la pomme.

Ce débat du ‘’land sharing vs land sparing’’ est un sujet fascinant mais bien complexe. Ce qui, encore une fois, m’oblige à en remettre la discussion plus approfondie à plus tard. Si vous ne voulez pas attendre, je vous invite, avant de me crier des noms, à lire ce document qui explique très bien les enjeux et les nuances à apporter. What Have We Learned from the Land Sparing-sharing Model?

L’intuition n’est pas toujours le meilleur guide

Ce que toutes les couleuvres, insectes et oiseaux qu’on retrouve sur les fermes comme celle de JMF nous cachent, c’est ce potentiel de rendement inexploité qui menace l’écrasante majorité de la biodiversité, soit celle qui n’est malheureusement pas adaptée pour survivre et prospérer en milieux agricoles. C’est bien joli et agréable une ferme non intensive où la vie bourdonne. Cela nous donne le sentiment d’être en harmonie avec la nature. Mais une chose que j’aimerais que les gens comprennent, c’est que ce n’est pas parce que quelque chose semble à première vue écologique que ce l’est. Bien sûr, l’anecdote et l’expérience de terrain n’est pas complètement inutile pour mieux comprendre le monde agricole (ou le monde en général). Sauf que, si l’on refuse de tenir compte des données scientifiques, on s’enlève la possibilité de confirmer si nos impression concordent avec la réalité et ainsi réfléchir correctement à la direction à prendre pour réellement changer le monde agricole pour le mieux. L’expression penser global, agir local a beaucoup de sens, mais encore faut-il ne pas oublier la partie qui consiste à penser global.

Comme disait Upton Sinclair: “Il est difficile de faire comprendre quelque chose à un homme lorsque son salaire dépend précisément du fait qu’il ne le comprenne pas”. Cependant, je suis persuadé que JMF aurait la possibilité de légèrement nuancer et d’expliquer les limites de son modèle sans pour autant ternir l’image de marque qu’il a si habilement construite au fil des ans. 

L’empire Fortier vous offre: livres, revue, cours, outils, film, vêtements, contrat de publicité etc. Décidément, Joseph Heath et Andrew Potter avaient bien raison, The rebel Sell!17 Je n’ai rien contre le fait que JMF ait trouvé des façons de bien gagner sa vie. J’imagine que ses cours en lignes sont d’une grande qualité(en tout cas, à 2800$, j’ose espérer… ). Si vous voulez vous lancer en maraichage bio sur petites surface JMF est probablement parmis les meilleures personne-ressources pour vous informer sur le sujet. Par contre, si votre but est de mieux comprendre la complexité de l’ensemble du monde agricole, je vous conseille fortement d’aller voir ailleurs.

Pour terminer, je veux mettre quelque chose bien au clair ici. Je ne condamne pas les agriculteurs qui décident de cultiver bio. Il y a une demande sociétale en croissance pour ce type de produits et il est normal que le monde agricole réponde à l’appel. Si cela leur permet un mode de vie qui leur convient, tant mieux. De plus, comme il y a certains côtés positifs aux petites fermes maraîchères à la JMF (prochain texte) et qu’elles n’occupent que 0.026% du paysage agricole, on peut se permettre qu’elles soient une catastrophe environnementale à petite échelle. Cependant, il est complètement absurde d’en faire LE modèle à suivre pour répondre au multiples défis auxquels le monde agricole doit ou devra faire face. Il y a tellement de choses intéressantes qui se passent dans le monde agricole et qui donnent de grands espoirs en l’avenir. Il serait grand temps qu’on y prête l’oreille et qu’on arrête de perdre notre temps avec les fausses solutions, même si elles nous font du bien à entendre.

——————————————–

  1. The naturalness fallacy, James Kennedy

2. https://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Publications/Synthese_rapport_pesticidesWEB.pdf

3. https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.2903/sp.efsa.2020.EN-1814

4. https://geneticliteracyproject.org/2018/05/24/mythbusting-gone-wrong-how-dangerous-organic-pesticide-myth-began/

5. Marc Brazeau est un auteur incontournable si vous vous intéressez à l’agriculture. 

Focus on Pesticides is a Distraction from Major Eco Impacts

6. http://csanr.wsu.edu/not-enough-manure-to-sustain-ag/

7. https://www.ncceh.ca/sites/default/files/Air_Quality_and_Animal_Manure_Sept_2011.pdf

8. Oui, je suis un tantinet baveux avec JMF, mais comme il ne tombe pas dans l’insulte et la hargne, je reste tout de même poli. C’est une tout autre histoire avec Roméo Bouchard qui n’hésite pas à étaler son ignorance à l’aide de message de haine et d’insulte. En général, ça ne vole vraiment pas haut ses interventions.

9. https://appliedmythology.blogspot.com/2013/01/the-shocking-carbon-footprint-of-compost.html

10. https://geneticliteracyproject.org/2019/10/07/viewpoint-dont-buy-organic-food-if-you-want-to-seriously-address-climate-change/?mc_cid=cff877b0c0&mc_eid=84b0643a01

11. LBU (2009) Slututvärdering av miljö- och landsbygdsprogrammet 2000−2006 – vad fick vi för pengarna? (Final evaluation of the Environ- mental and Rural Development Programme 2000-2006 – what did we get for our money? Swedish only) Swedish University of Agricultural Sciences, Uppsala, Sweden, 470 p

12. Je ne veux pas traiter personne de stupide. C’est une expression, utilisée souvent par des gens comme moi pour étaler leur culture générale avec humour. Pour dire vrai, je ne suis pas totalement certain de comprendre sa signification. 🙂 mais avouez que ça parait bien.

13. https://science.sciencemag.org/content/351/6272/450.summary

14. https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1365-2664.13594

15. https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822%2818%2930755-3#secsectitle0025

16.https://www.researchgate.net/publication/259042961_Quelle_est_l’importance_des_transferts_d’elements_mineraux_de_l’agriculture_conventionnelle_a_l’agriculture_biologique

17.The Rebel Sell: Why the Culture Can’t be Jammed (released in the United States as Nation of Rebels: Why Counterculture Became Consumer Culture) is a non-fiction book written by Canadian authors Joseph Heathand Andrew Potter in 2004. The thesis of the book is that counter-cultural movements have failed to effect any progressive political or economic consequences; thus counter-culture is not a threat to « the system« .

18. le sulfate de cuivre est aussi beaucoup utilisé en conventionnel, mais il existe  parfois des solutions de rechange moins problématiques. Bien entendu, je compare ici un herbicide avec un fongicide, ils ont des utilités bien différentes. Ceci dit, le but de la comparaison est seulement de montrer ‘’l’absurdité’’ de l’argument du ‘’naturel’’ pour justifier les choix des pesticides. Évidemment, les fin finauds auraient pu me faire remarquer que d’accord, c’est plus toxique et dangereux, mais quand est-il du risque selon l’utilisation en champ. Car après tout, vous le savez bien cher fidèle lecteur d’agricolincredule, c’est ça l’important n’est-ce pas? Et bien il s’avère que l’utilisation est plutôt risquée pour l’applicateur et l’environnement. 

https://threadreaderapp.com/thread/1133357612114821122?fbclid=IwAR1-lIlpuETUfcQRaylrYHKNv7SXiKKFgJ3DxO-XCANCdoClm1iVYCCv9bs

Lire: https://geneticliteracyproject.org/2020/07/23/organic-fungicide-copper-sulfate-poses-dangers-to-humans-animals-insects-how-does-it-compare-to-conventional-pesticides/

19. Bien évidemment, il ne faut pas oublier la qualité des aliments. On n’est pas gagnant si on produit 30% de plus de blé si ce blé contient 35% moins en moyenne d’éléments nutritifs. Sans oublier aussi les coûts de production, traditions culinaires etc. Le rendement optimal c’est celui qui tient compte de toutes ces variables. Il ne faut surtout pas se limiter dans les outils disponibles pour  atteindre cet objectif et faire prévaloir son idéologie. Nous avons une obligation de résultats et non pas de moyens. Il faut aussi se demander si on a besoin de produire autant de certaines cultures comme le maïs. Mais là on entre dans un tout autre sujet. C’est une discussion sur la politique agricole, les incitatifs financiers et subventions de toutes sortes qu’on accorde au monde agricole et qui n’a rien à voir avec les bienfaits d’un haut rendement à l’hectare.  Couper 20% plus de forêt résulte non seulement en la perte d’un écosystème, mais libère une quantité importante de carbone stocké dans les arbres. Cela  enlève aussi le coût d’opportunité à ce 20% de continuer à stocker davantage de CO2 dans sa biomasse et son sol. (à des taux bien variables selon le niveau de maturité d’une forêt et le climat ou elle se trouve). Décidément, le rendement n’est pas une simple mesure parmi d’autres.

20. Organic crop yields per hectare compared to conventional crop yields per hectare based on weighted average crop yields during the period 2003–2016, national level

Tabelle 1. Bio-Erträge pro Hektar im Vergleich mit konventionellen Erträgen pro Hektar basierend auf gewichteten Erträgen in der Periode 2003–2016, bundesweit

Relative yield organic vs. conventional (%)Standard deviation of organic national yield (±%) 3nonc
Cereals
Common wheat64.233.81,43310,999
Rye61.346.71,4052,881
Winter barley58.939.15437,990
Spring barley66.545.77966,182
Oat68.444.61,0462,998
Triticale68.536.21,4224,877
Corn63.740.15547,197
Spelt77.440.4915246
Root and tuber crops
Potatoes50.950.71,6524,441
Sugar beets172.6
Oilseed and protein crops
Oil pumpkin78.243.23732,158
Field peas56.658.15131,926
Faba beans270.860.3348419
Soybeans93.442.62501,976

provient de : https://geneticliteracyproject.org/2016/11/15/organics-v-conventional-v-gmos-debate-grows-farm-yields-sustainability/

https://pub.epsilon.slu.se/13967/7/kirchmann_h_et_al_170125.pdf
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5 réponses sur « L’agriculture écologique n’est pas une question de feeling »

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  1. Vous avez vous même une vision assez manichéenne de l’agriculture. Jean-Martin Fortier n’est qu’un acteur parmi d’autres de l’évolution de l’agriculture. Il y en a beaucoup d’autres pour nuancer la tendance que vous décriez. Comme vous dites, ce n’est pas si simple. L’agriculture biologique est, à la base, une tentative pour améliorer le bilan environnemental des pratiques agricoles. Une tentative issue d’une réflexion critique. C’est un mouvement bien davantage qu’une idéologie, pour la plupart de ceux qui la pratiquent. Et je pense que c’est une contribution importante et enrichissante à l’agriculture, ici comme ailleurs, dans la mesure où elle provoque une remise en question des pratiques agricoles même dans la façon dont on les enseigne.

    Mais il y a des dérives. La première tient au fait qu’elle est devenue un « créneau » de marché avec tout le baratin verdoyant (de toutes écoles) qui sert à vendre bien plus que des denrées comestibles.
    Pour en revenir à la « petite ferme », il est vrai que la couverture médiatique accordée à ce modèle est inversement proportionnelle aux superficies en culture et aux revenus à la ferme qu’il représente, Même chose pour le soutien gouvernemental. C’est le « modèle dominant », caractérisé par la concentration croissante des exploitations, qui va chercher une part proportionnelle des fonds publics disponibles. Et la « petite ferme diversifiée » ( qui ne représente qu’une infime part de la pratique agricole, vous le dites) est présentée comme la nouvelle image de l’agriculture, servant ainsi de caution au statu quo qui perdure dans une transition soumise aux aléas de marchés concurrentiels.
    Ce qui s’est passé en grandes cultures est en train de se passer en serres.

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour, merci pour le commentaire.
      Vous apportez des points qui ont été souvent soulevés suite à la lecture de mon texte et me laissent ma foi un peu perplexe. Bien sûr que Jean Martin Fortier ne représente pas la pensée unique et consensuelle d’un mouvement si diversifié qu’est l’agriculture biologique. Je peux certainement comprendre que plusieurs producteurs bio soient en désaccord avec bien des arguments ou opinions véhiculés par JMF. Ceci dit, qu’on le veuille ou non, JMF reste un phénomène de société qui est le symptôme d’un courant de pensée dominant dans la population générale basé selon moi sur de bien mauvaises données et croyances. Si j’écrivais un texte portant sur la montée du populiste de droite aux États-Unis et que je structure mes textes autour de Trump est-ce que vous considériez ça non pertinent sous prétexte qu’il ne représente pas l’ensemble du mouvement républicain? Bien sûr que non.

      Je comprends qu’à la base, le mouvement du bio est né suite à une réflexion critique des dérives et des problématiques qu’engendre l’agriculture sur la santé et l’environnement. Est-ce que cette réflexion critique venait seulement du monde bio? J’en doute fort, mais le bio a certainement été plus efficace pour faire passer le message. Ceci dit, maintenant qu’ une bonne partie de la population et du monde agricole est consciente de l’importance de bien réfléchir aux pratiques intelligentes pour mieux produire, le bio, selon moi, n’a plus sa place dans le débat. Je comprends ce concept de mouvement et de philosophie entourant le bio. Sauf que personne n’est contre la vertu et les belles paroles, mais en bout de ligne, c’est les résultats qui comptent. Pour avoir étudié à l’ITA de Saint-Hyacinthe(conventionnel), je peux vous dire qu’on y donne des cours de grande qualité. Les professeurs ont un discours critique et constructif sur les problématiques environnementales entourant la production agricole. On nous parle de l’importance de la santé des sols, le contrôle de la fuite de nutriment, le concept de lutte intégré, agriculture raisonnée, etc. etc. Comme j’ai dit dans mon texte, le mouvement  bio, même si plein de bonnes intentions est pris dans des règlements absurdes et incohérents basés sur aucune base scientifique solide, bref un dogme. Son interdiction d’utilisation de produits de synthèse ou alors des semences provenant de technologie d’édition génomique sont une aberration. C’est interdire les couteaux sous prétexte  que certains s’en servent pour blesser ou tuer. Comme bien d’autres je ne suis pas en faveur du statu quo, je veux que les choses bougent, mais je veux que ce soit basé sur des données probantes et non sur des dogmes et croyances irrationnelles.

      Est-ce que les incitatifs financiers et autres subventions sont bien utilisés pour orienter le monde agricole vers le mieux? J’en doute fort. C’est un sujet que j’avoue ne pas bien connaître. Le monde des incitatifs, subvention est un autre sujet très très complexe. Mon objectif de cette année c’est justement de me pencher sur ces questions. Une chose est claire par contre dans ma tête, encourager le bio à croître de quelque manière que ce soit est une bien mauvaise idée. Comme j’ai dit en introduction, vous n’êtes pas le premier à faire ce genre de commentaire, mais à chaque fois cela venait d’un producteur maraîcher bio. Je mettrais donc ma main au feu que vous l’êtes aussi. J’aimerais donc savoir selon vous ce qui cloche dans le discours de JMF. Comment votre ferme se distingue de celle de JMF. Quelles sont les pratiques sur votre ferme qui en font un exemple de ferme écologique? Je suis persuadé que vous êtes habité par la mission de produire de la façon la plus écologique possible, alors ne croyez-vous pas qu’avec cette philosophie, si vous étiez équipé de tous les outils disponibles vous ne pourriez que faire mieux?

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  2. En fait en terme de non utilisation de produit de synthèse, le bio (en France dans ce cas là) ne respecte même pas son propre cahier des charges.
    Le sulfate de cuivre est produit par décapage du cuivre par de l’acide sulfurique. Un procédé qui ne correspond pas vraiment à la définition naturelle prôné par le bio.
    La deltaméthrine produit par action du tétrabromure de carbone sur la cyperméthrine, lui même un produit de synthèse. En plus son profil toxicologique sur l’environnement (en particulier les abeilles) ne le rend pas très écolo compatible.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Deltam%C3%A9thrine
    Et l’huile de paraffine issue de l’industrie du pétrole émetteur de CO2, que le secteur du bio utilise pourtant pour décrié les engrais azoté de synthèse.
    https://www.inao.gouv.fr/content/download/1771/17578/version/22/file/MAJ%20Sept%202020%20INAO%20prote%CC%81ge%CC%81.xlsx

    Pour les engrais en France on en est là…

    Des députés hors-sol se sont mis en guerre contre les engrais azoté de synthèse.

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