Ma LMR a été franchie

Il y a deux ans, le concept de « limite maximale de résidus » (LMR) était révélé au grand public à la suite d’un pseudo-scandale médiatisé, qui tournait autour d’une consultation de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire(ARLA) en vue d’augmenter possiblement les LMR pour certains pesticides présents dans nos aliments. Troublé par cette couverture médiatique, disons, imprécise, j’avais pris l’initiative de créer une balado pour éclaircir le sujet. Depuis, le thème avait refait surface dans les médias de manière sporadique, mais sans jamais franchir ma propre LMR personnelle, c’est-à-dire ma « limite de malentendus répétés » médiatique acceptable. Malheureusement, l’arrivée du nouveau scandale, le « Lanphear-gate »(billet à venir), qui a remis les pesticides sous les projecteurs, a franchi cette limite. Ce qui m’amène à écrire cet article pour remettre les pendules à l’heure.

En gros, tout ce remue-ménage lié à la consultation entreprise par Santé Canada provient d’une méconnaissance flagrante de la notion de LMR par les journalistes. J’espérais qu’en l’espace de deux ans, ils auraient trouvé quelques minutes pour comprendre ce concept. Cela aurait toutefois impliqué de leur part de lire un document d’une dizaine de pages, sans la moindre image, ce qui peut sembler, je le conçois, rebutant pour certains journalistes.

Dans son éditorial pour La Presse, le journaliste Philippe Mercure témoigne d’une confusion flagrante à ce sujet lorsqu’il prétend « fixer les limites de pesticides permises dans les aliments n’est pas censé être un numéro d’équilibriste entre divers intérêts, mais bien une pure question scientifique. » Cette assertion de Mercure est symptomatique de l’incompréhension généralisée des médias à ce sujet. En effet, établir la LMR est justement un exercice d’équilibrage entre divers intérêts et non une simple question scientifique.

Alors, c’est quoi la LMR?

En gros1, la LMR n’est pas une limite sanitaire, mais une limite réglementaire. La limite sanitaire, c’est la “dose journalière admissible” (DJA) et elle est déterminée de manière scientifique grâce à des tests et des études afin de déterminer le niveau d’exposition tout au long d’une vie qui ne pose pas de risque important pour la santé (le risque zéro n’existe pas). On détermine la DJA grâce aux études toxicologiques puis épidémiologiques, qui servent de référence scientifique pour guider les agences sanitaires dans leur décision. C’est là que le jeu d’équilibriste commence pour déterminer la LMR. Des agences comme l’ARLA doivent prendre en compte une multitude de variables et d’intérêts qui sont parfois divergents, tels que les groupes environnementaux, les experts et l’industrie. Ils doivent considérer, par exemple, l’efficacité du pesticide, son utilité, la présence ou l’absence de solutions de rechange, son importance dans l’économie canadienne, le choix de rotation des produits pour éviter des résistances, l’harmonisation les normes internationales etc. D’où l’importance de la présence de l’industrie dans le processus. Après tout, ce sont eux qui connaissent le mieux les besoins des agriculteurs en matière de protection des cultures.

Vous me suivez toujours?

On continue, c’est pas fini. Le punch arrive, promis.

Déterminer la LMR, c’est de la gestion de risques, ou en d’autres termes, c’est peser le rapport risque/bénéfices. Si un pesticide apporte très peu de bénéfices, l’ARLA peut décider de réduire le risque au maximum, c’est-à-dire fixer une LMR bien en-deçà de la DJA, voire l’interdire. Pour d’autres, qu’on considère essentiels, la LMR peut se rapprocher de la DJA si nécessaire. En réalité, une multitude de pesticides sont très efficaces et assurent leur mission à des doses d’utilisation nettement inférieures à celles qui pourraient générer un niveau de résidus se rapprochant de la DJA .

Les agences sanitaires fixent donc les LMR le plus bas possible, en tenant compte des besoins. Inutile de prendre des risques inutiles.

Et voilà le punch. Si un jour quelqu’un frappe à la porte des agences sanitaires pour leur signaler que la LMR d’un pesticide est devenue trop contraignante pour quelque raison que ce soit, ces agences doivent examiner la validité de la demande. Elles doivent regarder la marge de manœuvre qu’elles ont entre la LMR et la DJA et voir si les contraintes imposées par la LMR sont disproportionnées par rapport aux bénéfices attendus de l’assouplissement. C’est un jeu d’équilibriste, je vous dis ! Ce n’est pas une machination orchestrée par l’ARLA, qui se soumet aux demandes d’un lobby obscur des pesticides, mais plutôt le fonctionnement normal et prévu d’une agence de santé publique.

Tout est une question de pondération entre risque et bénéfice. La société fonctionne de cette manière. Le gros problème, c’est que, souvent, nos journalistes et chroniqueurs n’ont pas la moindre idée du pourquoi et du comment et ça, c’est embêtant.

Plus de pesticides dans nos aliments?

Est-ce que cela implique forcément une augmentation des résidus de pesticides dans nos aliments ? Est-ce que nos efforts pour réduire l’utilisation de produits phytosanitaires vont à l’encontre de cette augmentation de LMR? Absolument pas. Les agriculteurs doivent toujours se conformer aux mêmes indications sur les produits, qui n’ont pas changé. Il est important de noter qu’environ la moitié des échantillons de produits testés ne montrent aucune présence de pesticides, et les dépassements de la Limite Maximale de Résidus (LMR) sont rares (généralement entre 0.5% et 3%). Par conséquent, il est clair que cette demande d’augmentation de la LMR ne vise pas à permettre une utilisation plus étendue des pesticides. L’industrie a sollicité cette augmentation afin d’harmoniser les normes à l’échelle internationale, facilitant ainsi le commerce.

En somme, c’est encore une tempête dans un verre d’eau.

1-C’est une simplification, car en réalité, c’est bien plus complexe. Chaque pesticide a une Limite Maximale de Résidus (LMR) qui varie en fonction de la culture sur laquelle il est utilisé. Il faut fournir des données indiquant la quantité de résidus présents sur une culture spécifique après une utilisation du produit en accord avec les instructions de l’étiquette. Ensuite, on dresse un profil global basé sur le régime alimentaire typique d’un Canadien pour déterminer si la quantité totale de résidus dans l’alimentation permet une marge de sécurité suffisante avant d’atteindre une exposition proche de la Dose Journalière Admissible (DJA). La DJA est, quant à elle, définie avec une marge de sécurité par rapport à la dose qui n’engendre aucun effet nocif observable.

Il est important de noter que la LMR et la DJA ne sont pas des mesures similaires : l’une est exprimée en mg/kg de poids corporel et l’autre en parties par million (ppm).

https://croplife.ca/fr/les-residus-de-pesticides-mis-en-contexte/
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