Déconstruire 10 mythes à déconstruire
Le 15 mars dernier, lors d’un 5 à 7, l’organisme Vigilance OGM (VO) lançait son tout nouveau guide sur les OGM et les pesticides, guide qui entend déboulonner 10 mythes sur les OGM. J’y étais et j’en ai profité pour me le procurer. Malheureusement, et même si je veux croire à la bonne foi des auteurs, cette plaquette ne fait qu’ajouter à la confusion qui entoure les OGM et l’agriculture en générale. Alors, j’ai voulu écrire un texte pour répondre globalement au guide, mais j’ai vite compris qu’en vertu de la loi de Brandolini, chaque mythe avec son lot de fables, de faussetés et de sursimplification grotesques m’obligeait à lui apporter une attention particulière.
Il est facile de comprendre pourquoi les OGM sont un sujet très sensible : la nouveauté fait peur et cette réaction est bien compréhensible. Cependant persister à se réfugier dans des croyances invalidées par les données actuelles ou recourir à des contorsions intellectuelles pour éviter de remettre en question les fondements même de ses peurs est moins excusable. Vrai, une partie de l’industrie a tendance à exagérer les bénéfices éventuels des OGM et à imputer aux anti-OGM, la responsabilité de la faim dans le monde. Ce qui est également grotesque. Cependant, qui prétend vraiment que les OGM sont une solution mur-à-mur aux problèmes agricoles ou environnementaux ? Par contre, il est raisonnable d’avancer que cette technologie est un des outils essentiels à l’amélioration de l’efficacité et la durabilité de nos pratiques . Attardons-nous donc au premier mythe.

Mythe #1 du guide de vigilance OGM
Est-ce que les OGM nourrissent le monde?
Voilà un choix très habile puisque cette thématique se prête terriblement bien aux sophismes. Affirmons d’emblée qu’aucun intervenant sérieux ne prétend que les OGM sont essentiels pour nourrir l’humanité. Le mythe en question n’existe donc pas.
En effet, la faim dans le monde n’est pas causée par une production insuffisante de calories alimentaires mondiale. Il faut plutôt imputer à la pauvreté (politiques, distribution, inégalités, guerre, etc…) le fait qu’une partie significative de l’humanité ne mange pas à sa faim.
La situation est la suivante : le maïs, qui fournit à lui seul presque 20% des calories mondiales, et le soya, qui est la 9e culture toujours au regard des calories consommées, sont des cultures OGM à hauteur respective de 32% et 79%. Ils occupent donc une place non négligeable dans la production mondiale de de calorie. Cependant, les semences conventionelles de maïs et soya sont aussi hautement productives donc la disparition hypothétique des semences OGM ne serait pas une catastrophe en terme de productivité. Donc, oui, pour le moment, nous pouvons nous passer des OGM pour combler les besoins caloriques des humains, mais sommes-nous pour autant prêts à abandonner les autres bénéfices potentiels comme l’accroissement de la valeur nutritive, la réduction de l’utilisation des pesticides ou encore l’adaptation aux changements climatiques?

Texte provenant du guide OGM et pesticide de Vigilance OGM
mythe #1
C’est vrai, il y a quelques mois encore, aucune culture génétiquement modifiée pour accroître sa valeur nutritive n’était disponible sur le marché (le processus d’autorisation est laborieux). Cependant, la culture du riz doré vient enfin d’être autorisée au Bangladesh. Cette variété fortifiée en vitamine A et qui est le résultat de plusieurs années de recherche collaborative sera distribuée gratuitement à tout fermier gagnant moins de 10 000$ par année. De plus, les fermiers pourront conserver les semences et les replanter d’une année à l’autre. Il faut savoir que les carences en vitamine A rendent 250 000 à 500 000 enfants aveugles chaque année dans le monde, surtout en Asie où la consommation de riz est particulièrement élevée. La moitié de ces enfants meurent dans les 12 mois suivants. Le riz doré contribuerait grandement à combler les besoins en vitamine A de ces populations vulnérables puisqu’une tasse de riz doré fournit 50% des besoins quotidiens en vitamine A chez l’adulte. Pourtant, plusieurs militants et groupes écologistes comme vigilance OGM et surtout Greenpeace s’opposent à ce nouveau riz fortifié qu’ils voient comme une manigance pour accroître l’acceptabilité sociale de cette technologie et paver la voie à l’autorisation de l’ensemble des plantes génétiquement modifiées. Admettons-le : une telle acceptabilité sociale ferait perdre à Greenpeace un outil de marketing et de sollicitation important. Est-ce cela qui motive leur position idéologique dans le dossier du riz doré quitte à accepter quelques dommages collatéraux chez les populations à risque ?

Tout comme Vigilance OGM, Greenpeace compte plutôt sur l’éradication de la pauvreté, de la guerre et des inégalités pour assurer l’accessibilité à des aliments sains et nutritifs pour la population mondiale. Vaste programme… Nous invitons les militants de Greenpeace et de Vigilance OGM à soumettre des solutions concrètes et rapides à ces problèmes sociaux qui affligent les sociétés humaines depuis la nuit des temps. En attendant, d’ici quelques mois, plusieurs milliers d’enfants au Bangladesh éviteront la mort ou la cécité grâce au riz doré.


Guide de vigilance OGM, mythe #1
Bien que la recherche pour mettre au point et commercialiser des cultures OGM aux caractéristiques variées soit intense, la grande majorité des OGM cultivés dans le monde ont été conçus pour tolérer un herbicide total (47%), résister à certains insectes nuisibles par la sécrétion de leur propre pesticide (12%) ou les deux (41%). Cela pose-t-il un problème ? S’agit-il de fausses représentations de l’industrie destinées à’emprisonner l’agriculteur dans une dépendance à leurs ses produits phytosanitaires? Je suis perplexe : pourquoi les fabricants auraient-ils mis au point des variétés de plantes qui produisent leur propre insecticide si leur objectif est d’accroître les ventes de pesticides ? Cette vision complotiste est très répandue, mais j’attend encore qu’on m’en explique la logique. Ensuite, personne n’oblige les agriculteurs à acheter ces semences OGM. Si ces dernières ont remplacé massivement les semences traditionnelles c’est pour une raison et une seule : elles sont nettement avantageuses pour le fermier et l’environnement et ce, même si elles sont parfois plus coûteuses que les autres. Évidemment, l’objectif des semenciers d’OGM est le profit. Encore leur faut-il avoir un produit intéressant pour les agriculteurs. Dans le cas contraire, ces derniers se tourneront vers autre chose.
La conception et la mise en marché d’un OGM peut prendre une dizaine d’années et coûter des centaines de millions de dollars. Rien d’étonnant à ce que les compagnies visent tout d’abord les cultures au potentiel de revenu le plus prometteur comme le maïs et le soya, qui sont parmi les cinq plantes les plus cultivées au monde. L’arrivé des plantes résistantes aux herbicides comme le maïs et le soya Roundup-ready ou les plantes BT qui produisent leur propre insecticide ont révolutionné l’agriculture. Les bénéfices pour l’environnement et les agriculteurs (j’y reviendrai plus tard avec le mythe #4 et #5) sont significatifs et incontestables.
Je vois mal comment on peut utiliser la résistance de quasi 100% des cultures OGM aux herbicides ou aux insectes comme argument contre l’ensemble des organismes issus de cette technologie. On peut empiler les chiffres, les statistiques et les diagrammes comme dans le dépliant de Vigilance OGM, mais si les arguments ne tiennent pas la route, comment faire avancer la discussion ? Beaucoup de plantes OGM attendent d’être commercialisées, mais la lourdeur bureaucratique et les coûts associés aux délais de mise en marché nous privent de bénéfices potentiellement cruciaux pour certains segments de la population mondiale.

Ces barrières à la commercialisation sont en grande partie imputables au mouvement anti-OGM, dont fait partie Vigilance OGM. En effet, le public soumis à la désinformation et à des campagnes de peur exige des mesures de sécurité excessives, ce qui alourdit ou bloque le processus. Résultat : les plantes au marché plus restreint peinent à voir le jour tout comme de plus petites compagnies de semences par définition plus vulnérables. Ces ONG, ne seraient-elles pas en train de se plaindre d’un problème qu’elles ont elle-même créée?
Pourrions-nous nous passer des OGM pour nourrir le monde? Oui pour l’instant. Mais avec une population en croissance rapide et des changements climatiques radicaux en vue la réponse à cette question pourrait bien changer.. De toute façon, la question fondamentale à se poser est la suivante : pourquoi devrions-nous renoncer à cette technologie qui permet et permettra une production agricole plus écologique, plus rentable, plus résiliente et plus nutritive? Il ne s’agit pas de savoir si on peut ou non nourrir l’humanité sans OGM, mais plutôt si nous pourrions mieux la nourrir tout en réduisant notre impact sur l’environnement. Les OGM sont des outils. Comment voulons-nous les utiliser ? Voilà la vraie discussion à avoir.

Couverture du Time. Il y a presque 20 ans. soupir..
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